Les propos recueillis dans cet échange reflètent la reflexion des auteurs interrogés et n’engagent pas les Shifters.
Laurence RAINEAU, comprendre les limites du réseau énergétique

Laurence RAINEAU, est maître de conférences à Paris, Panthéon Sorbonne et dirige le département de sociologie depuis 2020.
Ses recherches portent sur la problématique environnementale et sur le rapport de notre société à la nature à partir d’une réflexion socio-anthropologique sur les techniques.
Elle a notamment travaillé sur les projets de parc éolien et de création de lignes à haute tension.
Nous réalisons cet entretien pour échanger sur le lien entre usagers et système énergétique
L’équipe de SoShift a réalisé cet entretien le 22 avril 2024
Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez été amené à travailler sur le système énergétique français. Quels étaient les objectifs de vos recherches et dans quel contexte êtes-vous intervenue ?
J’ai été sollicitée, en 2006, dans le cadre d’un appel à projet de la ville de Paris sur les questions environnementales. Mais j’avais déjà le désir de travailler sur des questions énergétiques, pour lesquelles j’avais commencé à m’informer, et sur la question très générale de l’évolution du rapport de la société à la nature et le lien avec la question des techniques. J’ai proposé de travailler sur les écoquartiers qui commençaient à se développer dans toutes les villes, avec notamment l’objectif de comparer le quartier de la Croix-Rouge dans Paris, qui était encore à l’état de projet, avec BedZed, un écoquartier dans le sud de Londres, et l’emblématique quartier Vauban à Fribourg-en-Brisgau en Allemagne1.
J’ai réalisé une série d’entretiens et d’observations dans ces quartiers. Par la suite, je me suis éloignée de la thématique des écoquartiers. Mais cela a constitué ma première entrée en matière autour de l’énergie, à travers les modes de production alternatifs aux grands réseaux et le rapport à l’autonomie de ces quartiers. Ce qui m’a semblé intéressant au final a été de constater que ces écoquartiers ne permettaient pas d’engager de réelles dynamiques au sein des villes, et de propager de nouvelles façons d’habiter la ville. Ces écoquartiers se développaient certes rapidement et constituaient des lieux d’expérimentation de pratiques de vie collective. Mais, au final, ces écoquartiers restaient des enclaves au sein des villes.
Même si j’ai continué à suivre le sujet de loin, dans le cadre de mes recherches, j’ai préféré travailler sur les grandes infrastructures, notamment celles qui se développaient au nom de la transition énergétique.
Pourriez-vous développer ce que vous avez observé sur les écoquartiers, quels enseignements ont émergées de ces expériences ?
La difficulté, dans ce type d’expérimentation (dans les communautés énergétiques locales en général), est que les personnes à l’origine de ce type de projet, ou qui y participent, ont généralement déjà une sensibilité écologique. Elles ont un désir de changer leurs pratiques. Ce biais doit donc être pris en compte lorsque nous analysons ces exemples. Néanmoins, alors que dans un système centralisé le besoin crée l’offre (le système répond en temps réel à la demande des entreprises, des consommateurs), dans les communautés locales en autonomie énergétique, c’est plutôt l’inverse : la demande doit s’adapter à la disponibilité de la source. Cela change complètement le rapport des utilisateurs à l’énergie. Naturellement, certaines infrastructures telles que les transports, les hôpitaux ne peuvent s’adapter à la source et requièrent une disponibilité permanente en énergie. En revanche, pour la vie quotidienne, cela est envisageable. Même si ces expériences peuvent paraître anecdotiques ; il semble qu’elles montrent qu’il est possible de repenser nos usages en fonction de la source.
Généralement, ce changement de pratiques s’accompagne d’une nouvelle façon de se connecter à la nature, à la ressource2. Pour ceux qui sont volontairement engagés dans ces communautés, cela devient un plaisir car en lien avec une quête de sens. Bien sûr il ne s’agit pas de généraliser. Néanmoins, dans une réflexion sur l’évolution du système énergétique, les pratiques et la sobriété de la production, ces modèles de communauté méritent d’être analysés plus en détails. Si le sujet des communautés en autonomie énergétique vous intéresse je vous invite à regarder les travaux d’une ancienne doctorante du CETCOPRA, Laure Dobigny3.
Quelle dynamique sociale avez-vous remarquée dans et autour des écoquartiers, avez-vous notamment constaté un phénomène de gentrification de ces quartiers les rendant moins accessibles aux revenus plus modestes ?
C’est effectivement la critique qui est faite aux écoquartiers, notamment Fribourg-en-Brisgau en Allemagne. Ces quartiers sont agréables mais, comme indiqué précédemment, ils s’enclavent. La demande augmente, dépassant les capacités, et le coût de l’habitat augmentent en conséquence. Donc effectivement il y a gentrification. Par ailleurs, habiter ces quartiers constitue déjà un engagement écologique, requiert une forme de mode de vie plus expérimental ce qui n’attire pas tout le monde non plus2.
Néanmoins, certains écoquartiers imposent une certaine quantité de logements sociaux ce qui fait qu’une partie de la population ne choisit pas nécessairement ces quartiers par sensibilité écologique. En Angleterre, par exemple, il avait été observé une certaine sensibilisation aux questions énergétiques de ces populations avec un impact potentiel sur le long terme sur leurs rapports à l’énergie et leurs pratiques. Il parait donc intéressant de penser ces quartiers avec une universalité sociale et idéologique aussi.
Selon vous, les personnes dans ces communautés sont-elles des précurseurs qui pourraient faire émerger de nouveaux imaginaires positifs ?
Ou sont-elles plutôt de gentilles originales dont les pratiques seront difficilement exportables en dehors de leurs propres communautés ?
Effectivement, certains les considèrent comme des gentils originaux pour reprendre vos termes. Mais finalement, ceux-là apportent peu de réponses quant aux problèmes qui se posent à nous à l’échelle du réseau électrique, de la transition. D’autres, au contraire, vont penser que la solution est dans la multiplication de ce type de communautés énergétiques locales. Dans tous les cas, il faut, il me semble, sortir de cette opposition forte entre « solution » global et local, qu’on retrouve parfois dans une opposition entre nucléaire et renouvelable.
Le problème est qu’actuellement, toutes les productions nouvelles d’énergie ne viennent pas substituer celles existantes, ou très peu. Elles permettent surtout de répondre à des besoins croissants en énergie. Je vous renvoie aux travaux de Jean-Baptiste Fressoz4 pour mieux comprendre l’évolution historique de nos usages des différentes sources d’énergie, qui n’ont fait que s’accumuler.
Dans tous les cas, il me semble important d’arrêter d’opposer le réseau centralisé aux productions locales. Et pour ce qui est des énergies dites renouvelables, il est important de noter la grande diversité des sources possibles. Chaque territoire dispose toujours d’un ou plusieurs types d’énergie renouvelable (solaire, éolien, géothermie, méthanisation, etc.). Bien sûr, il ne ‘s’agit pas d’essayer de produire au maximum localement en essayant de rivaliser avec des sources d’énergie fossiles, et dans une certaine mesure le nucléaire, dont les rendements sont incomparables5.
Néanmoins, des productions locales ne permettraient-elles pas d’alléger la pression sur le réseau ? De réduire, ou ne pas accroître, les infrastructures très lourdes avec les problèmes que cela engendre ? Une production plus locale ne pourrait-elle pas se développer en support du système centralisé ? Ce sont ces questions qui me semblent importantes à débattre.
Le réseau électrique s’est construit à la fin du XIXe siècle, un peu partout dans les pays occidentaux, avec le pétrole, le charbon, c’est-à-dire sur la base d’énergies qu’il est possible de stocker, déplacer et finalement mettre à disposition à la demande2. La plupart des énergies renouvelables ne fonctionnent pas de cette manière : elles ont beaucoup à perdre à remplacer, dans le système actuel, les énergies fossiles ou le nucléaire5. Maintenant, cela ne signifie pas que ces énergies renouvelables n’aient pas de place dans la transition énergétique. Mais peut-être faut-il, dans ce cas, repenser la manière de les intégrer dans le réseau.
Attention, la réponse n’est pas simplement une question de stockage, car qui dit stockage dit conversion d’une énergie non stockable en énergie stockable et donc déperdition. La conclusion étant alors que les énergies renouvelables ne sont pas efficaces. La question est plutôt : comment faire cohabiter un réseau centralisé, s’appuyant sur des ressources stockables, avec des réseaux peut-être plus locaux, s’appuyant sur les énergies renouvelables du territoire en question ?
Comment avez-vous fait le lien entre vos observations sur les écoquartiers et certaines pratiques d’auto-gestion énergétique, les énergies renouvelables et le système énergétique centralisé ?
J’ai réalisé un DEA, l’équivalent d’un master aujourd’hui, au sein du laboratoire CETCOPRA6, centre d’étude des techniques, des connaissances et des pratiques, laboratoire où je continue d’ailleurs d’exercer. Ce master était dirigé par Alain Gras7 qui avait une approche théorique des systèmes techniques et des systèmes énergétiques. Il publie d’ailleurs encore sur ces sujets.
Dès mon master, j’ai donc été très familière de ces problématiques. Et elles m’intéressaient particulièrement.
La question centrale sur tous ces sujets est : « À quelle échelle développer les énergies renouvelables ? Sachant que la thèse centrale de mes travaux est que les énergies renouvelables ont certes des inconvénients par rapport au système énergétique organisé autour du stockage de l’énergie, mais possèdent également des atouts. Notamment, la diversité des sources d’énergie que couvre ce terme (biogaz, vent, mer, déchets agricoles, etc.). Cela nécessite d’avoir une autre logique, de prendre en compte les spécificités au niveau local. Cette question n’est donc pas née des observations sur les écoquartiers, même si ceux-ci constituent un exemple car ils ont des objectifs de bilan neutre (produire autant que l’on consomme), si ce n’est d’indépendance, et s’appuient parfois sur les sources d’énergie disponibles en local.
Dans vos travaux, vous parlez du réseau français actuel qui est un système qui est très centralisé, et de ce fait très invisible aux yeux des usagers.
Pourriez-vous nous dire comment ce réseau impacte la compréhension que le citoyen peut avoir des enjeux énergétiques ? Et quel lien est-il possible de faire entre sobriété, déconnexion des usages et réseau ?
Le réseau actuel centralisé allie invisibilité et fluidité. Il a été une source de croissance et de développement indéniable. Mais aujourd’hui, le discours est quelque peu contradictoire. D’un côté, il est demandé d’être plus sobre en énergie, mais de l’autre, le système actuel n’impose aucune contrainte qui pourrait permettre aux usagers de comprendre les limites8,9. Nous sommes informés des limites, mais ce qui est perçu c’est l’abondance et la disponibilité infinie. Ce qui conditionne notre consommation d’énergie c’est une variable sociale, le prix, dont le niveau ne reflète pas toujours la disponibilité. Quant aux impacts environnementaux, ceux-ci sont également en grande partie invisibles. Rares sont les usagers qui ont conscience des moyens, des ressources humaines, qu’engagent chacune de leurs pratiques. De même, ils n’ont pas conscience de la quantité et de la nature d’énergie qui transite lorsqu’ils appuient sur l’interrupteur. Aucun moyen n’existe d’ailleurs pour le savoir (même si des compteurs dit « intelligents » se mettent en place). Nous pouvons être très informés mais cela passe par une démarche intellectuelle, cela fait appel à la raison et non au sensible. Or il me semble que cela joue sur notre mobilisation individuelle. Lorsque je fais du tri, j’éteins la lumière, je n’en vois pas immédiatement les impacts. Je peux seulement supposer l’impact parce que j’en ai été informée. Certains outils sont proposés. Par exemple, des compteurs jours/nuits. Ils permettent de faire un lien avec la production, mais ils servent principalement à gérer les pics de production. Il y a clairement une déconnexion entre les enjeux climatiques et écologiques et ce qui est mis à disposition à tout un chacun pour prendre conscience de l’impact de ses usages. Or, sans rapport au sensible, s’engager pour l’écologie me parait très compliqué.
Dans les écoquartiers ou les communautés énergétiques locales, se rapprocher de la source, est aussi un objectif. Le but étant d’être conscient que telle pratique implique telle infrastructure, tel usage de telles ressources2. Le changement de pratiques prend immédiatement sens.
Le déploiement des énergies renouvelables est, selon vous, calqué sur les caractéristiques du réseau centralisé. Vous disiez précédemment qu’avec une logique différente nous pourrions peut-être sortir du débat technique énergies renouvelables/nucléaires ?
Effectivement, l’idée serait de réfléchir sur les impacts que peuvent avoir les énergies renouvelables dans une dynamique de changement et pas simplement en des termes comptables. Quelle prise de conscience, et je ne parle pas nécessairement de réduire son confort, mais simplement de faire autrement2,8 ?
Ce sujet me fait penser à une petite étude, menée il y a longtemps dans mon laboratoire, autour de l’aviation privée de loisir et de l’expérimentation d’avions solaires. Des vols d’essais étaient proposés à des pilotes qui ne cherchaient pas nécessairement à trouver des moyens plus écologiques. Mais le simple fait de la nouveauté, de la recherche de nouvelles pratiques de vol (planer), le côté ludique les enthousiasmaient. Et puis, ils se sont rendu compte de l’absence de bruit, qui devenait une chose possible, alors qu’il était indissociable du vol traditionnel. On voit avec cet exemple que de nouvelles techniques peuvent faire bouger les imaginaires et rendre désirables des choix écologiques (ici l’avion solaire) pour des raisons qui ne le sont pas au départ. C’est ce dont je parle lorsque j’indique que l’objectif est d’engager de nouvelles dynamiques2,8,9 . Et celles-ci se nourriront du désir et non de la contrainte. La recherche d’autres façons de faire, ou de nouvelles techniques doit donc permettre d’ouvrir l’univers des possibles et de faire émerger des futurs désirables, et pas seulement répondre ponctuellement à un problème.
Quel est le selon vous le niveau d’information des populations sur les questions énergétiques ?
Le problème, encore une fois, est que notre connaissance des problèmes environnementaux tient en grande partie aux informations qui nous sont transmises et ne font pas forcément écho à notre expérience sensible. Elles ne prennent donc pas toujours sens dans nos environnements immédiats.
Par exemple, je suis assez surprise de la manière dont est perçue la voiture électrique ou l’électricité. Certains pensent à tort qu’il s’agit d’une source d’énergie totalement écologique. Déjà ce n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique. Cette électricité est bien produite quelque part et, au niveau mondial, elle l’est majoritairement avec des énergies fossiles. Effectivement, en France, avec le nucléaire l’électricité est moins carbonée. Pour cette raison, croire que le tout électrique est la solution écologique ultime est un leurre. C’est oublier aussi les autres ressources, notamment minérales, nécessaires aux batteries stockant l’électricité, sur lesquelles il y a aujourd’hui beaucoup de pression et qui ne sont pas sans conséquences écologiques.
Mon objectif n’est pas d’entrer dans un débat technique sur ce sujet mais plutôt de questionner l’image que certains acteurs peuvent avoir de leurs comportements, et du fossé avec la réalité. Le discours de « Je suis passé à l’électrique, je suis donc totalement écologique » est quelque chose que j’entends beaucoup. Il devrait, il me semble, y avoir un peu plus de débats sur le sujet.
Est-ce que selon vous le niveau d’information à un impact sur le niveau de mobilisation ?
Je dirais que c’est plutôt l’inverse, à savoir que la mobilisation génère un niveau d’information, ou plutôt une connaissance plus importante. J’ai fait cette observation lors d’une enquête sur un projet d’extension d’une ligne à haute tension dans les Pyrénées-Orientales entre l’Espagne et la France10. Mais elle peut être étendues aux projets éoliens.
J’ai analysé la mobilisation contre cette ligne, qui a duré 10 ans. J’ai pu constater que l’opposition des riverains au projet s’est construite parce que la ligne à haute tension traversait leur région, avait un impact sur le paysage, sur la faune et la flore. Et, suite à cette mobilisation, ils ont entamé des réflexions sur les questions énergétiques. Notamment, ils se sont posé la question du Pourquoi une ligne ? Pourquoi plus de courant, alors que nous avons une production avec le nucléaire qui dépasse nos besoins etc. ? Ce projet avait pour but de sécuriser l’approvisionnement à l’échelle européenne, mais aussi avec l’Afrique du Nord, avec la possibilité de se connecter à d’autres sources d’énergie, notamment solaires. À l’époque, il y avait un projet méditerranéen de développement de panneaux solaires dans le désert au Nord de l’Afrique. Néanmoins, pour la population, l’argument n’était pas forcément plus recevable. La question devenant alors : Ne pourrions-nous pas développer du solaire, du renouvelable, chez nous plutôt que développer une ligne haute tension ?
L’énergie reste quelque chose d’abstrait et d’invisible (d’autant plus avec l’électricité).
Très souvent, la question énergétique ne se pose pas vraiment tant qu’elle n’est pas en prise avec les territoires et nos pratiques locales et que les infrastructures de production ou de distribution ne se laissent pas voir.
Sur ce projet, vous avez donc pu constater que la question se posait en termes de besoin et de légitimité du projet ?
Oui mais je précise quand même que cela restait marginal. Cela venait surtout d’un noyau dur de militants. Car cela demande un investissement énorme en temps pour réaliser les recherches, se documenter sur le sujet et développer des arguments recevables dans un débat. Donc ce noyau ne concernait pas une population énorme. Néanmoins, au sein de ce groupe militant, il y a eu toute une évolution. Au départ ce qui n’était qu’une opposition au projet et à son impact sur le paysage est devenue ensuite une réflexion sur les alternatives et la question de ce qui était vraiment nécessaire. Avec une question qui allait au-delà de leur territoire. A savoir, est-ce que nous avons, en France, besoin d’importer une énergie nouvelle de l’extérieur. Ce sentiment était renforcé par le fait qu’ils n’avaient jamais subi de coupure, de problème d’approvisionnement. Or ce projet, du fait des tensions et de son déplacement le long des Pyrénées, existait depuis quarante ans.
Pour certains, ce questionnement a même engendré des changements de vie, des reconversions professionnelles par exemple pour développer le solaire en France. Néanmoins, en résumé, oui, certains ont posé la question de l’annulation du projet mais cela est resté marginal. Finalement, cela s’est terminé par un compromis : la ligne s’est réalisée mais a été enterrée (au lieu d’être aérienne) sur la partie sensible. Elle s’est invisibilisée en quelque sorte.
Dans nos échanges précédents, vous indiquiez qu’il faut sortir de l’opposition énergie renouvelable/ nucléaire, est-ce que ce sujet était souvent débattu dans les projets sur lesquels vous avez travaillé ?
Dans les expériences que j’ai pu suivre, le débat renvoie toujours dos à dos, à un moment ou un autre, le nucléaire et les énergies renouvelables, avec un discours assez symétrique dans les deux camps. Dans le cas des parcs éoliens ou solaires et des lignes à haute tension l’impact des infrastructures, les questions de dégradation du paysage local sont les questions qui soulèvent le plus d’opposition au sein des populations locales. Même si ces questions passent ensuite souvent au second plan. Cela se comprend aisément, en ce sens que ces projets se développent dans des régions peu denses et peu habitées. L’impact sur le paysage est donc important et le contraste avec les besoins locaux d’électricité immédiat. Naturellement, ces projets présentent néanmoins des intérêts en termes de développement pour ces régions, intérêts financiers, d’où les débats.
Ce que j’ai pu constater, c’est que, d’une part, l’opposition à certains projets, notamment éoliens, est parfois alimentée par des associations nationales. Elles viennent mettre en comparaison un parc éolien avec une centrale nucléaire pour montrer l’inefficacité et l’inutilité de ces infrastructures compte tenu de l’impact considérable sur le paysage. Et certains acteurs, qui n’étaient ni pro ni anti-nucléaire, se rattachaient finalement à ce discours et en venaient à faire la promotion du nucléaire. Mais, d’autre part, vous aviez aussi des mobilisations en faveur de grands parcs éoliens par des acteurs pas forcément favorables aux grandes infrastructures mais qui voyaient dans ces projets une manière de développer des alternatives au nucléaire et d’éviter que le nucléaire ne se développe encore plus dans le futur. Finalement, les discours sont en beaucoup d’aspects symétriques, avec dans les deux cas, la dénonciation de lobbys ayant des intérêts financiers poussant ces projets, ou encore la pression sur de nouvelles ressources (uranium d’un côté, acier, cuivre et autres métaux de l’autre).
Pour aller plus loin
1 Article d’ouvrage 01/10/2009, Laurence Raineau, « Deux expériences comparées d’écoquartiers. BedZed à Londres et Vauban à Fribourg », dans Consommer autrement. La réforme écologique des modes de vie, sous la direction de M. Dobré et S. Juan, L’Harmattan
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2 Article 01/06/2011, Laurence Raineau, « Adaptation aux changements climatique » – Vers une transition énergétique ?, Natures Sciences Sociétés 2011/2 (Vol. 19), pages 133 à 143
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3 Personne, Laure Dobigny
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4 Livre 12/01/2024, Jean-Baptiste Fressoz, Sans transition Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil
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5 Chapitre de livre 29/12/2016, Laurence Raineau, Challenges for Wind Turbines in the Energy Transition: The Example of an Offshore Wind Farm in France du livre « Transitioning to a Post-Carbon Society », Palgrave Macmillan, London
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6 Laboratoire, CETCOPRA
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7 Personne, Alain Gras,
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8 Article 01/02/2022, Laurence Raineau, Rethinking path dependence, technical innovation and social practices in a renewable energy future, Energy Research & Social Science,Volume 84,2022,
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9 Article 26/12/2014, Laurence Raineau, Transition énergétique et dynamique de changement Réflexion autour du projet de parc éolien en mer dans la baie de Seine, Pollution atmosphérique [En ligne], 223 | 2014
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10 Article 16/07/2020, Aurélien Cohen, Laurence Raineau, Transition énergétique et « démocratie technique » Étude du conflit autour de la ligne THT France-Espagne, Écologie & politique 2020/1 (N° 60), pages 147 à 164
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